Nouvelles motorisations et énergies : Ce qui fait avancer le sport auto
Voitures électriques ou hybrides, carburants “durables”, hydrogène: à l’heure de la révolution de la motorisation de nos voitures, le sport automobile (dont l’une des plus belles affiches, les 24 Heures du Mans, a lieu ce week-end) fait toujours office de laboratoire et d’outil marketing.
On doit aux courses automobiles le rétroviseur intérieur, la ceinture de sécurité, les phares antibrouillard, le frein à disque, le moteur turbo, le pneu radial… et récemment des évolutions sous nos capots.
Le sport auto fait ses adieux au moteur thermique au profit de technologies moins polluantes, tandis qu’une grande partie de l’industrie automobile s’est engagée dans le virage électrique depuis 2020.
Rester pertinent pour continuer d’exister
“Pour pouvoir piloter des voitures de course le plus longtemps possible, il y a un problème à régler en changeant les sources d’énergie utilisées pour les faire rouler”, résumait le pilote et entrepreneur français Guerlain Chicherit (qui développe un véhicule propulsé électriquement grâce à l’hydrogène pour participer au rallye-raid Dakar) lors d’un salon virtuel du magazine spécialisé Autosport en mars.
“On ne peut pas continuer à avoir un sport automobile qui ne s’adapte pas aux impératifs environnementaux, et donc on doit aller vers le zéro émission”, abonde auprès de l’AFP Pierre Fillon, président de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO), qui organise les 24 Heures du Mans.
Chacun cherche sa voie, depuis les années 2010, avec l’hybridation des moteurs des Formule 1 et des prototypes du Championnat du monde d’endurance automobile (WEC), le lancement de la Formule E, premier championnat de monoplaces électriques, ou plus récemment de l’Extreme E, des courses de SUV électriques proches d’environnements en danger.
“Aux premiers jours”
“Nous n’en sommes qu’aux premiers jours du développement de ces technologies dans le secteur automobile”, estime l’Américain Zak Brown, patron de McLaren, qui engage des voitures en F1, en IndyCar, bientôt en Extreme E et peut-être en Formule E.
“La bonne nouvelle, c’est que tout le monde s’intéresse à l’environnement, qu’il existe différentes technologies pour y parvenir et que les différentes formes de course automobile vont les explorer”, souligne-t-il.
Du côté de la Formule E, les constructeurs expliquent leur engagement par les transferts de technologie réalisés avec leurs véhicules individuels à motorisation électrique.
“Entre ce que nous faisons en course et ce que nous voyons sur la route, le délai est d’environ 24 à 30 mois”, assurait le dirigeant de Mahindra, Dilbagh Gill, dans un rapport publié fin 2020 par la Fédération internationale de l’automobile (FIA).
Ainsi, le poids des batteries a diminué, leur autonomie s’est accrue et le prochain défi est d’accélérer leur vitesse de charge.
Pour Frédéric Lequien, le directeur général du WEC, qui utilisera dès l’an prochain un carburant “100% renouvelable” et doit inaugurer une catégorie à propulsion électrique-hydrogène en 2025, “chaque discipline trouvera l’évolution technologique qui correspond à son format”.
“L’hydrogène est sûrement l’avenir en endurance”, analyse-t-il. “Par contre, l’électrique a toute sa place pour des courses en format sprint. Beaucoup de progrès vont aussi être faits très rapidement sur les consommations et les motorisations (traditionnelles), car l’arrêt du thermique n’est pas pour demain.”
L’hybride en F1 depuis 2014
Ainsi la F1, qui mise depuis 2014 sur l’hybride, cherche à augmenter la part de l’électrique mais aussi à développer des carburants “durables” (alternatifs au pétrole ou à des biocarburants au coût parfois lourd pour l’environnement) d’ici au milieu des années 2020.
“Nous montrerons que, pour le grand nombre de voitures à moteur à combustion interne qui seront encore utilisées dans les années 2030, il existe une alternative aux énergies fossiles”, croit Pat Symonds, le directeur technique du promoteur de la catégorie reine du sport automobile.
Conviction sincère, adaptation forcée ou +greenwashing+ ? Difficile de ne pas se poser la question, sachant que, contrairement aux discours éculés, il ne suffit pas de rouler électrique pour rouler “propre”.
“Je peux comprendre qu’on puisse penser ça (…) mais ça n’est pas du tout pour plaire ou pour se donner une image, répond Pierre Fillon. Nos règlements ont toujours été faits pour travailler sur la mobilité de demain et c’est une mobilité durable.”
Quid des deux-roues, dans tout ça ? “La tendance est claire mais il est difficile pour les fabricants de motos d’être des pionniers car il s’agit d’un investissement assez important”, avance Davide Barana, directeur technique de Ducati en MotoGP.
“Notre business est beaucoup plus petit, donc il incombe généralement aux constructeurs automobiles de développer ces technologies. Lorsqu’elles sont assez matures, elle peuvent être transférées aux motos, avec quelques adaptations.”
Le championnat du monde de vitesse moto a inauguré en 2019 une catégorie électrique, la MotoE, mais la route est encore longue.