F1 : Le moteur au régime, quel bruit pour le sport auto ?
Elément majeur du sport automobile, le bruit des moteurs est désormais amenuisé par les technologies hybrides et électriques, au coeur d’un débat générationnel teinté de nostalgie, de fatalisme et d’avant-gardisme.
“C’était plus calme que dans un bar”: au moment de tester les nouveaux moteurs hybrides des Formule 1 en 2014, Sebastian Vettel est hors de lui. Le quadruple champion du monde n’y va pas par quatre chemins: “C’est de la m****!”.
Cette année-là, les nouveaux moteurs V6 turbo de 1,6 litre de cylindrée font beaucoup moins de bruit que les anciens V8 atmosphériques de 2,4 litres. Et ne parlons pas, diront les plus nostalgiques, des monstrueux V10 ou V12 de jadis.
“Je pense que, pour les fans, ce n’est pas ce qu’il faut”, renchérit l’Allemand, dont l’avis n’a pas changé en 2021, alors que l’arrivée d’une nouvelle réglementation moteur pour 2025 fait déjà grand bruit.
Pour le patron de l’écurie Red Bull, Christian Horner, c’est l’occasion de revenir aux fondamentaux: “le moteur à combustion a un avenir, alors pourquoi ne pas introduire des moteurs à haut régime qui ont un son fantastique tout en étant respectueux de l’environnement ?”
“L’électrification est politiquement mise en avant, mais est-ce vraiment la voie à suivre ? Selon moi, les biocarburants durables offrent une alternative”, ajoute l’Anglais.
“Pas si spectaculaire”
Son homologue et rival de Mercedes, l’Autrichien Toto Wolff, le contredit: “Nous ne sommes plus la génération la plus pertinente. Lorsque vous demandez à un jeune d’environ 18-22 ans quelle est l’importance du bruit, la plupart, qui suivent la F1 à travers des écrans, diront que le bruit en a peu, ou pas”.
Même les jeunes pilotes comme Lando Norris (McLaren), 21 ans, semblent évoluer: “J’adore le bruit, les sensations, les vibrations que l’on a avec les moteurs d’aujourd’hui”.
“Quand j’allais voir mes premières courses, en 2004, à 9-10 ans, j’étais nerveux, j’avais un peu peur, je ne comprenais pas comment quelque chose pouvait faire autant de bruit, je restais près de mon père car je pensais que ça allait exploser”, rappelle Carlos Sainz Jr (Ferrari), 25 ans, fils du champion du monde de rallye Carlos Sainz. “Aujourd’hui, même si ce n’est pas si spectaculaire, ce n’est pas aussi catastrophique que certains disent, c’est toujours un beau bruit.”
Rien à voir, en tout cas, avec les moteurs sifflants de Formule E, championnat du monde de monoplaces électriques, ou d’Extreme E, compétition de SUV électriques.
“C’est sûr que, quand tu as connu les bruits des moteurs qu’on a connus nous, ça fait un peu moins vibrer aujourd’hui d’entendre… rien. Mais ça fait partie de l’évolution des choses”, racontait Sébastien Loeb, engagé en Extreme E, lors de la première manche en Arabie saoudite.
L’hypothèse hydrogène
“Beaucoup de fans ont un a priori sur l’électrique. Mais si l’électrique devient dominant dans la voiture de tous les jours, le sport mécanique sera obligé d’y aller aussi. Et, avec le temps, les nouvelles générations aimeront le sport auto électrique parce qu’ils n’auront connu que ça”, soutenait le Français, nonuple champion du monde des rallyes.
“Les fans de l’ancien monde ont peut être du mal à s’y retrouver, mais la nouvelle génération va trouver ça très bien”, soutient également Xavier Mestelan Pinon, directeur technique de la Fédération internationale de l’automobile (FIA). Selon lui, deux publics coexistent, dont un plus jeune et plus urbain “adepte des nouvelles sonorités, avec les Formule E qui font un peu le bruit des vaisseaux Star Wars”.
Sans compter que la pollution sonore liée au bruit des moteurs reste un enjeu, tant pour les organisateurs de courses auto et moto que pour les constructeurs, quand ils développent leurs véhicules pour la route.
Autre technologie d’avenir, l’hydrogène pourrait être un compromis. A condition qu’il soit “vert”, provenant d’une électricité issue d’énergies renouvelables, et qu’il vienne alimenter un moteur pour obtenir une forme de combustion, l’hydrogène pourrait concilier l’impératif écologique et l’exigence sonore.
Cette technologie intéresse notamment la F1, selon son directeur sportif Ross Brawn: “Peut-être que l’hydrogène est la voie qu’elle peut emprunter, où nous gardons le bruit, l’émotion, mais où nous passons à une solution différente”.
Et Sainz de conclure: “Si la F1 a trois ou quatre pilotes qui se battent pour la victoire à chaque course, avec un beau spectacle, le bruit sera le dernier des sujets”.