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Nissan limoge Carlos Ghosn après 20 ans de règne

Le conseil d’administration du géant de l’automobile Nissan a décidé jeudi de limoger son emblématique président Carlos Ghosn, détenu à Tokyo pour des malversations présumées, une chute jusque-là inimaginable pour l’homme qui a sauvé le constructeur japonais.

L’alliance avec son partenaire français de longue date Renault “reste intacte”, a insisté la direction de Nissan à l’issue de sa réunion extraordinaire qui a duré plus de 4 heures au siège du groupe à Yokohama, en banlieue de la capitale japonaise.

Derrière les portes closes, six hommes et une femme ont jugé à l’unanimité que les soupçons pesant sur le tout-puissant patron suffisaient pour le chasser de son poste de président.

Nissan justifie dans un communiqué cette décision radicale par “des actes graves confirmés”, mentionnant “une minimisation de ses revenus durant une longue période dans les rapports financiers, une utilisation frauduleuse à des fins personnelles de fonds d’investissements et de notes de frais”.

Cette révocation acte la fin de près de 20 ans passés à la tête de Nissan, la majeure partie du temps comme PDG puis à la présidence du conseil. Il risque la même sanction chez Mitsubishi Motors qui a rejoint l’alliance en 2016: un conseil d’administration se réunira lundi, selon un porte-parole de la société, mais il reste PDG de Renault “momentanément empêché”.

La vie de Carlos Ghosn, qui a uni ces trois constructeurs pour en faire le numéro un mondial de l’automobile, a brusquement basculé quand son avion s’est posé lundi au Japon. Aussitôt arrêté, il est resté silencieux depuis, dans sa cellule d’un centre de détention de Tokyo.

C’est Hiroto Saikawa, patron exécutif du constructeur depuis avril 2017, qui a proposé aux autres membres du conseil de limoger M. Ghosn, estimant “sur l’avis d’experts qu’une telle décision se justifiait”.

Officiellement, le Franco-Libano-Brésilien est accusé d’avoir, avec des complices, “minimisé sa rétribution à cinq reprises dans des rapports remis entre juin 2011 et juin 2015”, en déclarant aux services financiers une somme totale de 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d’euros) au lieu de près de 10 milliards de yens.

“Ce type de déclaration mensongère constitue une des fautes les plus graves au regard de la législation imposée aux entreprises cotées”, a déclaré jeudi à la presse Shin Kukimoto, procureur adjoint de Tokyo.

Il n’a en revanche pas voulu donner de détails sur l’enquête en cours ni sur le nombre d’heures d’auditions menées chaque jour, alors que pleuvent les révélations dans les médias japonais sur les méfaits dont se serait rendu coupable le magnat de 64 ans.

Les soupçons pesant sur M. Ghosn découlent d’une enquête interne conduite par Nissan au cours des derniers mois, mais il n’est pour le moment en garde à vue que pour les fausses déclarations de revenus.

Mercredi, le tribunal a décidé de prolonger de 10 jours sa détention afin de poursuivre les investigations. Et cette période pourrait se prolonger bien au-delà, en vertu des règles du système judiciaire japonais.

L’homme d’affaires a reçu les visites de l’ambassadeur de France et du consul du Brésil, lequel l’a trouvé “en bonne forme”.

Le groupe Nissan, en tant qu’entité morale, peut en théorie aussi faire l’objet de poursuites, a précisé le représentant du parquet.

Chez Renault, la prudence est pour l’instant de mise. Le conseil d’administration a demandé à Nissan “de lui transmettre l’ensemble des informations en sa possession dans le cadre des investigations internes dont M. Ghosn a fait l’objet”.

Estimant ne pas être en mesure de se prononcer sur le fond de l’affaire, le constructeur français a pris des mesures pour assurer l’intérim, confié au numéro deux de l’entreprise, Thierry Bolloré.

Face à cette affaire qui ébranle l’alliance comme jamais depuis sa naissance en 1999, le gouvernement français multiplie les déclarations rassurantes quant à l’avenir du constructeur au losange, dont l’État détient 15%.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a ainsi assuré mercredi qu’une gouvernance “solide” mais “provisoire” était en place afin de permettre à Renault de poursuivre ses activités.

Il doit rencontrer jeudi après-midi à Paris son homologue japonais, Hiroshige Seko, pour évoquer la pérennité du partenariat ainsi que sa “prolongation”.

Si, au Japon, la tonalité est officiellement la même, la presse locale fourmille de déclarations anonymes de responsables de Nissan affirmant que le groupe veut revoir la structure de celle-ci, “condition nécessaire pour qu’elle continue”, selon l’un d’eux.

L’un des objectifs serait de modifier les participations croisées: Renault détient 43% de Nissan, mais le Japonais, qui domine son allié en termes de chiffre d’affaires, n’en possède que 15%, une situation qui provoque depuis longtemps des rancoeurs dans l’archipel.

Selon le quotidien économique Nikkei, qui cite un dirigeant de Nissan, Carlos Ghosn cherchait à intégrer les deux groupes, et “il était possible qu’un plan concret soit prêt au printemps prochain”, un scénario de fusion ouvertement rejeté par M. Saikawa.

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